Entretien avec Jesus !
Je connais Jesus The Butcher depuis 2012. Il a été mon sujet devant le jury qui devait m’accorder mon diplôme d’Attachée de Presse à l’école de journalisme à Paris. C’est un personnage comme il en existe peu : imposant, métaleux, aussi peu de cheveux qu’il a une barbe gigantesque super bien entretenue, amateur de bonnes bières, et surtout brasseur amateur ! Mais il n’est pas que ça. Ce serait réducteur pour parler de lui. Jesus est aussi un homme authentique, gentil, serviable, amusant, avec un métier sérieux, très sérieux même. Homme cultivé, il a des valeurs qu’il défend avec conviction. Passionné, il va toujours au bout de ses projets. Mais le truc le plus fascinant, c’est l’ambivalence de son apparence et de ses bonnes manières. Bref, il est intriguant et ça, j’adore !
Jesus est Educateur dans une Maison d’Enfants à Caractère Social (M.E.C.S.). Il s’occupe, au quotidien, d’une dizaine de jeunes en difficulté de 8 à 17 ans. Ces enfants sont, soit placés par la justice, soit par l’Aide Social à l’Enfance. Le défi à relever est colossal : les accompagner dans leurs projets, affronter et travailler leurs difficultés selon leur parcours et leur passé, pour leur offrir un avenir.
« Qui suis-je moi, pour prétendre aider un jeune à se construire en tant que personne ? Leur ouvrir des portes pour les accompagner, est une lourde responsabilité. Il faut avoir des valeurs et de l’éthique. Nous les éducateurs, nous ne sommes ni leurs parents, ni leurs grands frères ou grandes sœurs, ni leurs copains, mais des adultes référents ! ».
Des valeurs ? Jesus en a : honnêteté, droiture, liberté, partage. Ceux qui le connaissent, peuvent en témoigner. Il est impressionnant physiquement. Il en impose. Grand, calme, barbu, avec de la prestance ! Il a une voix normale quand il parle. Ne riez pas… Je dis ça parce qu’il a une grosse voix quand il chante. Et pour cause ! Jesus est aussi chanteur de death metal. Les jeunes sont subjugués.
Les grosses voix du Métal l’ont toujours fasciné. Il a découvert le chant par hasard. Depuis, c’est devenu pour Jesus un exutoire vital et le Metal une passion. Jour après jour, il a travaillé sa voix pour la modeler et la façonner. Seul un travail assidu a pu lui permettre de tenir pendant l’intégralité d’un concert avec cette puissance.
Il a été le chanteur de plusieurs groupes, dont Offending, signé par un label américain pour deux albums. Offending n’existe plus, mais aujourd’hui, il chante dans Disowning, un groupe de Poitiers, avec un album en cours de mixage.
En 2010, il a monté le Hell’Oween Festival à Saintes. Ce festival de musique Metal a servi à de nombreux jeunes pour se positionner dans la vie et à évoluer.
« J’ai d’abord demandé aux jeunes ce qu’ils avaient envie de faire. L’idée était qu’ils se demandent comment s’exprimer, comment se comporter en tant que jeune adulte, comment présenter leurs projets… Et c’était aussi les sensibiliser aux métiers du spectacle, créer du lien avec les jeunes, créer du lien avec ce qui les intéressaient… »
Quand il a commencé c’est avec 500€ qu’il avait investi de sa poche. Actuellement, le budget, c’est plus de 20 000€. Il a transmis son savoir, puis a fait la passation de sa présidence. Maintenant, il est temps pour lui d’avoir d’autres desseins. Différents. Toujours en lien avec le Metal, mais somme toute, vraiment très différents : « Je n’avance que parce que j’ai des projets. Il faut que ça bouge ! »
Il a alors créé une association « Nos illustres rituels » autour de la bière artisanale avec des amateurs de bières. Découvrir des bières subtiles et complexes de petits producteurs. La brasserie Ouroboros, issue de la scène Metal et amie de Jesus, a travaillé sur la cuvée des Barbus « Nos illustres Rituels » pour le Festival Hell’Oween.
« Ça devait être une bière éphémère, et finalement elle existe toujours. C’est une bière à notre image ! Moi aussi je brasse d’ailleurs, en amateur. Pour avoir les compétences, il faut travailler, travailler, encore travailler… »
L’autre partie du projet qui l’anime en ce moment, c’est son départ pour le Québec d’ici février de l’année prochaine. Partir ailleurs pour voir autre chose. Le Québec ne lui est pas totalement inconnu. D’où son choix ! Il est allé voir des groupes se produire, et connait des musiciens qui jouent et vivent là-bas. C’est une autre mentalité, une autre philosophie.
« Ici, je suis observé. Là-bas le regard est bienveillant. Et puis, il faut l’avouer, c’est le paradis des barbus, le Québec. Il y a une multitude de produits pour nous. J’y connais d’ailleurs un fabriquant avec qui j’ai beaucoup partagé. Une barbe demande de l’entretien. Beaucoup ! Peut-être que je pourrais y travailler au début… Comme égérie peut-être (Rire). Depuis plus de 15 ans que je porte la barbe, je n’ai jamais été à la mode. Maintenant oui… (Rire) C’est drôle : moi, à la mode ! (Rire) ».
Et comme Jesus bosse toujours beaucoup, nul ne doute du résultat. Ça me fait bizarre de me dire qu’il se promènera sur les rives du Saint-Laurent très bientôt. Il affinera sa technique de brassage dans l’une des 150 microbrasseries qui jalonnent le Québec. Les artisans brasseurs y composent déjà 3348 bières différentes. Elles sont distribuées dans presque 20 % des bars, des broues-bars (ou bistrots-brasseries) et restaurants. Inutile de vous préciser que la bonne bière, c’est culturel là-bas.
Alors, quand j’ai relu l’interview de Jesus, je me suis souvenue d’une petite phrase d’Antoine de Saint-Exupéry qui le définit bien mieux que je ne saurais jamais le faire. Elle est extraite du livre posthume de Saint-Ex, « Citadelle ». Livre ni terminé, ni retouché, où il écrit « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis. ».
Un grand merci à Laurent Jahier pour les photos de Jesus qu’il a signées !